Et la vie ne reprit pas son cours comme avant…

Début février est une excellente période pour parler de Noël, d’un certain point de vue. On croit toujours après avoir bien fait la fête, que les soucis sont derrière. Pour que ce soit vrai, il ne faudrait pas rallumer la radio.

Trop tard… 2015 commence à peine qu’on apprend qu’un maire refuse d’enterrer un bébé Rom dans sa commune, qu’un élu du FN fait une blague sur twitter au sujet d’un bébé Rom mort de froid. Pas Roms en fait. Plutôt des êtres humains. Le fait qu’ils soient Roms n’intéresse que les racistes. Je ravale ma rage en me disant que la haine ne gagnera pas, et là, 2 types abattent 12 personnes à la rédaction de Charlie hebdo. Cabu, toute mon enfance, Wolinski, ma jeunesse, charb, mes trente ans, et tous les autres que je connais moins ou pas, rayés non pas d’un trait de plume, ce n’était pas des dessins mais des dessinateurs. Des gens, en chair et en os, avec famille, amis, admirateurs, détracteurs, des êtres humains quoi.

Quelques jours après cet attentat et la prise d’otage qui a fait encore 5 morts, le parlement débat de la loi Macron. Encore une brèche dans les acquis de la libération, du programme du CNR. Extension du travail du dimanche, en cas de plan social mal motivé, son annulation au tribunal administratif n’engagera plus de réparations ou réintégrations pour les salariés… Sur les réseaux sociaux et les blogs, on ressort les archives, des règlements intérieurs d’il y a 100 ans, qui faisaient bosser les gens 12h par jour et trouvaient très clément d’autoriser les travailleurs à manger en même temps qu’ils travaillaient.

Moi ça me débecte. Il n’y a donc pas d’ambition pour une vie douce ? C’est ça notre lot, en chier, s’entretuer ? On se dégoûte à se point pour se faire autant de mal ?

Je dis ça en étant tout à fait lucide sur ce que nous a proposé le gouvernement avec la marche du 11 janvier, censée être le « grand rassemblement où on se tient tous par la main au-delà de nos différences et où l’amour est plus fort que la mort »…  Rapidement la démonstration a été faite qu’on peut être horrifié par le sort des victimes et la violence de ces attentats, tout en n’étant pas naïf sur la responsabilité de l’oligarchie.

Il étaient tous là, les dirigeants de l’Europe qui mettent en place les politiques les plus répressives envers les immigrés, la liberté de la presse, envers les droits sociaux… Le président ukrainien qui siège avec des nazis dans son gouvernement, le chef de l’OTAN, cette institution qui n’a pas d’autre but depuis sa création que d’assurer la suprématie militaire et économique des USA, quoi qu’il en coûte. Peu leur importe que la misère et la frustration ne finissent pas rendre fous certains, peu leur chaut de financer des régimes dictatoriaux, et même, de contribuer à former de futurs terroristes.

Leur coup a peut être échoué. Pas sûr que les millions de gens qui ont défilé dans les rues n’étaient pas juste là pour faire leur deuil, se tenir chaud, affirmer le droit à rire et à caricaturer. D’ailleurs, c’était tellement répugnant qu’au final, ça a donné ça :

D’un côté les chefs barricadés, de l’autre le peuple républicain sans peur. Les uns sont le problème, les autres la solution.

Jean-Luc Mélenchonchefs d'état barricadés

 

Et c’est là que François Hollande a parlé…

«La vie continue, insiste-t-il devant de nombreuses caméras. C’est le temps des soldes, des achats. Rien ne doit changer.»

Tulle, samedi 17 janvier

Voilà ! Allez consommer si vous êtes tristes, ça vous changera les idées. Il faut se distraire, oublier qui nous gouverne et pourquoi, en faisant encore et encore chauffer la carte de crédit.

Il est vrai qu’après Noël, il faut en vouloir pour se trouver des raisons de consommer. Produire, consommer, jeter, c’est ça qui nous comble, c’est comme ça qu’on aime… Alors reprenons le cours de notre consommation habituelle, vivent les soldes !

Joyeux gâchis !

Consum-Noel2015 copieJ’adore Noël. L’odeur du sapin, le décorer avec les enfants, et cette attente interminable, ce suspense insoutenable : va-t-il nous les apporter ? On met nos souliers sous le sapins, on met les petits plats dans les grands, on mange bien plus qu’à sa faim, on oublie d’être raisonnable.

J’adore ça.

Alors pourquoi ce grand désarroi, ce sentiment de vide ? Pourquoi ne vais-je pas, comme m’y enjoint Not’président, faire les soldes ? L’abondance nous remplit de trop de petits riens.

Suite à Noël, les poubelles regorgent : de nourriture gaspillée, de téléphones ou ordinateurs remplacés, d’emballages et sur emballages, de salariés épuisés pour qui cette fête est une angoisse. On va mettre en déchetterie des cadeaux même pas déballés dont on ne sait que faire.

Ce qui n’ira pas à l’incinérateur ou en décharge partira peut être en Afrique ? Le site d’Agbobloshie au Ghana est l’un des 10 sites les plus pollués au monde, et nos déchets électroniques s’y déversent par tonnes après Noël.

Allez, allez, consommez et jetez en tous, après Noël, les soldes, surtout rien ne doit changer…

Et Syriza gagna les élections !

Le soir du dimanche 25 janvier, après le joyeux gâchis de Noël, après les horreurs sur les bébés Roms, après l’insoutenable attentat de Charlie, après le désespoir de voir les acquis sociaux mis en pièce, je n’ai pas quitté internet des yeux.

TV en ligne, réseaux sociaux, mails, j’étais ridicule… Et sous mes yeux, là, Alexis Tsipras a fait son discours, Syriza venait de gagner, les grecs pleuraient en expliquant qu’enfin ils voyaient la fin de leurs souffrances, qu’ils allaient pouvoir reprendre leur vie en main.

La Grèce nous ouvrait la barrière, pour en finir avec le diktat des banques et des profits. Merci à eux, infiniment, merci à Podemos en Espagne, qui prend le même chemin, merci à toutes celles et tous ceux qui opposent un projet de société de progrès humain, face au capitalisme charognard.

Pour nous tous et toutes, qui ne voulons pas gâcher notre vie, notre monde, ne reprenons pas notre vie comme avant, changeons tout et changeons bien. Comme les grecs, comme le 11 janvier, n’ayons pas peur de ne pas reprendre le cours des choses, de bifurquer.

Un grand merci à Superdupersumo pour son illustration du joyeux gâchis...