Mon compte formation : grande aventure

Une formation qui me tient à cœur est finançable par le CPF. C’est pas tous les jours alors hop je m’inscris.

J’en profite pour me demander combien j’ai sur ce compte personnalisé et abondé en euros depuis les multiples réformes de la formation continue (formation continue qui est un droit, car c’est un besoin, à mon avis, mais si j’en crois l’esprit des réformes, le but c’est qu’on ne se forme pas tout au long de la vie).

J’ai évidemment perdu mon code, mais je commence à être bien rodée aux codes des sites des institutions de la république qui sont là pour le bien commun et qui se modernisent pour nous faciliter la vie (j’ai 3 enfants, intermittente du spectacle… ça fait entre 5 et 10 sites au quotidien et une bonne quinzaine de codes).
Très sûre de moi, je vais sur france connect, sans noter, naïve que je suis, qu’il s’agit de france connect +.

Avoir une identité numérique ou pas

La nuance est de taille : il ne suffit pas de se connecter grâce à un code d’un des services habituels, il faut avoir une identité numérique.

Allez savoir pourquoi, j’étais d’humeur légère, j’ai donc décidé d’accéder au statut enviable d’identifée numériquement. J’ai téléchargé sur mon téléphone l’appli de la poste, puis j’ai reçu par mail (sur l’ordinateur, car mon téléphone ne reçoit plus les mails) un recommandé numérique (la fonction « voir ça avec son facteur » était indisponible), puis le recommandé m’a donné un lien à télécharger sur le téléphone pour scanner ma pièce d’identité.

C’est là que ça a commencé à se compliquer (aucune ironie) : mon navigateur Lilo ne pouvait pas faire le boulot il me fallait chrome.

J’ai donc téléchargé chrome, puis il m’a fallu m’inscrire sur le site AR24 avec un nouveau code.

Enfin j’ai pu scanner ma pièce d’identité, puis ma tronche. Tout ceci avait pris 1h, j’ai reçu le mail suivant : votre identification a échoué. J’ai réessayé, sans succès.

J’ai abandonné au bout d’une heure et demi. Mais comme les jours rallongent, le lendemain j’étais toujours de bonne humeur, j’ai retenté le coup.

Au bout d’une demie heure, j’ai reçu le message suivant : votre connexion est insuffisante.

Ma connexion me permet de regarder des films, de communiquer, de jouer en ligne, de faire de visios, mais pas d’accéder à l’identité numérique qui me permettrait d’avoir le solde de mon CPF.

Et le fait est que j’ai regardé la progression de la fibre autour de moi : ma rue n’est pas éligible.

Je vais pas en faire un gruyère, cependant un jour ou l’autre pour cette formation il faudra que je me connecte à mon compte et j’avoue que l’idée de passer une journée à ça m’enthousiasme peu.

Je voudrais néanmoins lancer un vibrant appel à la modernité et aux outils censés nous rendre service, nous faire gagner du temps, aux applis, aux codes et aux sécurités renforcées : pitié ! pitrouille ! Je suis toute prête à retourner aux formulaires papier ! Ceux où il y avait un monsieur à la poste qui aidait les gens illettrés à les remplir, ceux où on savait pourquoi on y passait du temps.

Dessin original de Dave Coverly

Je n’en peux plus des écrans…Mais…

Pour faire comme dans l’essai (formidable) de Jean Guien « le consumérisme à travers ses objets », je dirais que j’écris ce post sur un ordinateur dont j’ignore à peu près tout : je suppose que la quasi totalité du tableau périodique des éléments y est présente, que donc bien des gens ont souffert, voire sont morts pour que je me plaigne de la modernité dénuée de sens, que je plaigne que cet ordinateur a contribué à la pollution liée à l’extraction des métaux, du pétrole, pour que je déplore assise sur mon canapé que le monde court à sa perte, tout autant que les droits des travailleurs à la formation professionnelle tout au long de la vie.

Depuis cet ordinateur je m’interroge sur les objets qui m’entourent : desquels puis-je dire qu’ils m’apportent un réel progrès, un confort qui ne soit pas bourgeois (je veux dire par là : que je n’extorque à personne, ni à l’écosystème) ? Ma liste se restreint à mesure que les codes et les écrans m’envahissent, j’appellerai cela désormais le nectar de la poubelle.

Nectar de poubelle ?

Le nectar est la substance qui attire les insectes, oiseaux… qui en venant se nourrir vont favoriser la fécondation des fleurs. Mais la fleur peut aussi utiliser un nectar qui va émettre des substances pour repousser certains indésirables.

Le consumérisme fonctionne de la sorte. Attirés par l’odeur de l’objet qu’on nous vend, dégoûtés par les odeurs des objets dont on n’a plus l’usage. Le nectar de la poubelle, c’est le consumérisme. J’attends ainsi que ma banque me dise que mon smartphone pue, qu’il m’en faut un autre, puisque mon vieux smartphone ne peut plus abriter l’appli de la banque, appli avec une double sécurisation, qui nécessite un téléphone plus récent que le mien.

« Une société est moderne si elle n’est en mesure de se stabiliser que de manière dynamique, c’est-à-dire si elle a besoin, pour maintenir son statu quo institutionnel, de la croissance (économique), de l’accélération (technique) et de l’innovation (culturelle) constantes. »

Hartmut Rosa la définit dans « Rendre le monde indisponible »

Pour moi, une société moderne est une société qui ne sait pas quoi faire de ses déchets, mais pense qu’un jour il y aura une appli qui résoudra ce problème.

NB : Si vous pensez que les livres cités sont intéressants mais que jamais vous n’aurez le temps ou le courage de les lire, faites comme nous : arpentez-les ! Nous sommes un groupe d’une quinzaine de personnes, environ toutes les 6 semaine nous choisisssons un livre et celles qui le souhaitent partagent le livre. Le groupe se réunit et chacune raconte sa partie (les idées principales retenues, les incompréhensions, ce qui fait écho à sa propre vie ou au contraire qui semble contradictoire…). Une fois toutes les parties mises en commun on discute. Voilà, l’arpentage c’est ça, et ça se pratqiue depuis des siècles maintenant. Ca nous permet de lire des livres qu’on se sentait incapables seuls, ou pas le temps, ou…