Lettre au médiateur de la SNCF

Dans le train, le 28/11/2021

Médiateur SNCF voyageurs

Vos ref : LDK – S00002633 – DUCHARNE

Ma ref : VENERE01

Cher monsieur Dufournaud,

Suite à mon recours pour éviter les frais de dossier de 15€ dans la sombre histoire qui nous occupe, je reçois avec plaisir votre considération distinguée et vous retourne mes sincères salutations.

Je ne peux m’empêcher d’admirer la clarté avec laquelle vous affirmez que votre avis est « définitif et que mon dossier ne peut faire l’objet d’un nouvel examen ».

Cette capacité à cadrer net, à viser juste reflète tout bonnement l’admirable travail des administrations à la française : de la belle ouvrage.

Vous remarquez à juste titre, que le centre de recouvrement chargé de me demander de payer la somme de 142€50, suite à l’infraction commise par ma fille, a accepté de minorer à 15€ pour « frais de dossier » ce que je qualifierai dans mon langage béotien, d’amende.

Votre esprit fin aura su me débusquer : j’ai pleinement conscience de l’erreur de ma fille, qui contrairement à l’article R2241-8 du code des transports, s’est bêtement assise à sa place, munie d’un titre de transport valable, mais sans la carte famille nombreuse justifiant de la réduction ! Aussi bête que cela puisse paraitre, elle s’était trompé et avait pris une carte périmée.

Ma fille prenait le train pour la première fois seule et n’avait pas encore ses 15 ans, petite oiselle sortie du nid et frétillant ses courtes ailes à l’air libre sans la présence réconfortante d’un parent… Le contrôleur a pris soin en la verbalisant, de la rassurer : « il suffit de faire un recours sur le site en scannant la bonne carte, et l’amende sera annulée ».

Ce que je fis dès que possible : c’est donc un autre agent qui m’a appelée pour me confirmer très courtoisement l’annulation de la verbalisation. Et c’est lui qui eut la douloureuse tâche, ô combien ingrate, ô combien nécessaire pour que les têtes de linotte dans mon genre finissent par en prendre de la graine, de m’annoncer que les frais de dossier s’élevaient à 15€.

Vous savez comment sont les gens, peuple français d’irréductibles gaulois… J’ai râlé ! Et lui, désolé, quelle inversion des choses, lui qui ne faisait que son devoir, m’a assuré que je pouvais vous saisir, monsieur le médiateur, faire valoir ma bonne foi, et en l’occurrence, celle de ma fille.

Ce que je fis, par lettre papier. Ce que vos services qui m’envoyaient force SMS pour me dire que si je ne m’acquittais pas rapidement des 15€ l’amende serait requalifiée à 142€50, vos services donc au téléphone m’indiquèrent qu’ils n’y étaient « pour rien », que c’était « comme ça » et que si j’avais écrit sur lettre papier mon recours ne serait pas étudié avant septembre, mais que si je ne payais pas les 15€ avant fin juillet, alors le trésor public serait saisi.

Je dois vous dire monsieur le médiateur, que j’ai pleuré en payant mes 15€. Parce qu’avec le COVID, je n’avais pas pu vraiment travailler (je suis dans le spectacle, je ne suis pas parfaite : qui l’est ?) et que mes revenus étaient très faibles. Parce que les vacances arrivaient et que j’imaginais que ces 15€ seraient pris sur le budget des plaisirs de ces congés d’été avec mes enfants. Parce que je ne comprenais pas qu’une simple bourde, d’une jeune fille qui prend le train pour la première fois, ne puisse pas être réglée par un simple « faites plus attention la prochaine fois ».

Monsieur le médiateur, il m’a fallu du temps mais aujourd’hui j’ai compris : après tous ces appels et toutes ces lettres et tous ces recours, je me rends compte du temps et du travail qu’il a fallu mobiliser autour de cette permutation de cartes de réduction. Mes 15€ sont bien employés : ils servent à payer des gens comme vous, et à créer des tas d’emplois enrichissants pour vos subordonnés.

Car pour que la France continue de rayonner dans le monde, il faut que des gens comme vous matent des gens comme moi. Je ne doute pas qu’on vous paye confortablement pour cela. Si ce n’est pas le cas, vous trouverez en ma personne un fidèle soutien. Du cadre, des règles, des articles du code des transports : voici des voyageurs qui se tiennent bien sages !

Soyez assuré de ma grande admiration : je ne pourrais pas faire ce que vous faites, et je tenais à vous le faire savoir. Je vous souhaite donc bonne réception de mon courrier, et une très belle année 2022, bien sûr.

Tifen Ducharne