Je veux qu’on parle de sexualité à mes enfants à l’école

Je n’aurai plus d’enfant.

Savez-vous ce que me coûte cette phrase ? Elle vaut très cher. Elle vaut des mois de désespoir, de nuits à pleurer, d’émotion incontrolable et des tonnes d’amour de mon amour, d’amitié de mes amis, de fraternité de mes camarades. Le prix à payer pour accepter est faramineux. Chaque fois qu’on en paie une partie on se croit quitte, mais les traites reviennent à chaque fois, avec l’usurier comme sorti de chez balzac, qui vous attend devant la porte, le sourire en coin, se régalant déja de votre déconfiture.

Je n’aurai plus d’enfant.

Le savent-ils, ceux qui défilent et qui croient que faire des enfants est un fait purement naturel, ceux qui pensent qu’il faut absolument un papa et une maman mais qui refusent de dire pourquoi à leurs enfants ?

Ont-ils jamais ressenti que faire des enfants va au delà de la biologie ? Qu’être enceinte quand on ne l’a pas choisi peut être dévastateur, que ne pas avoir d’enfant quand on en désire un est une douleur sans nom ?

J’ai été terrifiée, comme rarement, quand j’ai entendu les propos tenus lors de la manifestation jour de colère. Jusqu’ici les manifs anti IVG et autres manifs pour tous me mettaient en colère. Ici, c’est autre chose : retirer son enfant de l’école de peur qu’on lui parle de sexualité, qu’on évoque l’homosexualité, qu’on lui parle de masturbation… Mais que font ces gens avec leurs propres enfants ? Quand leur fille se caresse la vulve, quand leur garçon leur parle de son zizi qui grandit ? Ils les tapent ? Les attachent ? Ou bien ils leur expliquent ?

J’ai peur qu’ils ne leur expliquent pas, ce qui s’apparente pour moi à de l’absence de protection, pour ne pas dire plus.

 Quelques chiffres parlants

Dans un groupe classe, statistiquement, chaque enseignant a affaire à un enfant victime d’abus sexuels. Ne pas parler de sexualité, c’est empêcher l’enfant de comprendre ce qu’il se passe et en parler à un adulte.

Tous les enfants passent très jeunes par des phases de masturbation, de sensualité : ne pas leur parler de sexualité, c’est ne pas définir l’interdit de l’inceste, et c’est cacher l’origine biologique de l’enfant.

Tous les adolescents sont confrontés à des pulsions sexuelles, et sont en phase de définition de leur désir : ne pas leur parler de sexualité, c’est ne pas prévenir les troubles qui peuvent être très difficiles voire violents qui secouent l’adolescence.

A l’âge adulte, une femme meure tous les deux jours sous les coups de son conjoint et toutes les huit minutes une femme se fait violer en France : ne pas parler de sexualité, de l’égalité des sexes, ne pas déconstruire les modèles qui enferment femmes et hommes dans une case, c’est refuser de prévenir ces violences.

Avorter est un fait banal, mais rarement anodin pour une femme. Ne pas parler de sexualité, c’est culpabiliser la femme qui avorte. Mais comme nous le rappellent si bien les manifestants de jour de colère, ne faut-il pas un homme et une femme pour que celle-ci soit enceinte ? Pourquoi ne dit-on jamais « honte à ces hommes qui mettent enceintes des femmes alors qu’elles ne le désirent pas ? ».

Porter un enfant c’est dans la tête avec d’être dans le ventre ! J’ai désiré si fort mes 3 enfants, que j’étais enceinte d’un bébé dès le jour du test de grossesse positif. Mais vivre une grossesse non désirée serait un véritable calvaire, surtout si je n’avais pas les moyens de le nourrir et m’en occuper ! Arrêtons de juger, nous ne sommes pas dans la tête des gens, ni dans leur vie. Une femme avorte, elle a forcément ses raisons qui ne nous regardent pas. Il n’y a ni attentat à la vie, ni attentat à la pudeur.

 On ne choisit pas ses parents

 Car cette question de savoir si on souhaite donner la vie est finalement moins importante que de savoir si on veut donner l’amour, si on est prêt à accueillir un nouvel être, le découvrir avec son caractère, ses manies, ses goûts, ses besoins.

La vérité terrifie peut-être les adultes, mais elle rassure les enfants. Ils n’ont pas choisi de venir au monde, tout ce qu »ils veulent c’est pas de baratin. 2 papas, 2 mamans, quelle importance, si on a expliqué le cheminement ? Un papa et une maman bornés et dogmatiques par contre, que de problèmes en perspective !

Car ils croient quoi ? Que les enfants s’éduquent avec des préceptes religieux ? Qu’ils vont pouvoir empêcher leurs enfants de devenir homosexuels en leur interdisant d’en parler ? Que leurs enfants apprendront mieux à l’école si on leur dit que les garçons et les filles sont très différents, n’aiment pas les mêmes jeux, n’ont pas les mêmes comportements ?

Foutaise, je n’ai pas su le sexe de mes enfants avant leur naissance, et ça ne faisait aucune différence qu’ils soient fendus ou couillus ! Leur naissance a été un bonheur infini, mais aussi quelle aventure… Mais quel apprentissage de l’honneteté, quel travail pour trouver les bons mots pour répondre à leurs questions. Alors concernant la sexualité, le corps, je ne suis pas contre un coup de main de l’école.

 Cela ne nous regarde pas !

 Mais au fond c’est ça : ces gens sont tellement obsédés par le sexe qu’ils ne peuvent pas s’empêcher de regarder par le trou de la serrure : quoi des pédés, des gouines, mais que font-ils ?! Quoi, mon enfant se masturbe sans que je puisse le contrôler ?

Et les voilà, transpirant, en train d’imaginer, de se faire le film porno, et se dégoûtant eux-mêmes de leur attitude, ils en rejettent la faute sur le comportement des autres !

Parler de sexualité aux enfants, de façon adaptée à leur âge, leur expliquer ce qui existe, ce qui est interdit, ce qui fait du bien, c’est leur donner une chance de plus de vivre leur état de fille, de garçon, et plus tard de vivre leur sexualité, en toute liberté.

et ce qu’ils feront, et bien…Ca ne nous regarde pas !