Gilles Lasserpe, dessinateur de presse, a plein de choses chiantes à nous dire. Il n’a pas accepté cet entretien, j’ai donc fait comme tous les vrais journalistes : les questions et les réponses moi-même, car la liberté d’expression est à ce prix.
Tifen Ducharne : Gilles Lasserpe, bonjour, le bruit court que vous avez les plus belles mains du monde, pouvez-vous nous en dire plus ?
Lasserpe : Oui c’est vrai, j’ai les plus belles mains du monde. Je n’y suis pour rien dans le fond mais c’est un fait. Durant les dédicaces, parfois les gens viennent uniquement les observer. Je n’en fais pas un fromage, mais si ça peut faire plaisir…
TD : Merci pour ce témoignage plein d’humilité. Parlons actu si vous voulez bien. Vous n’aimez pas trop les insoumis apparemment, et pourquoi donc, justifiez-vous un peu !
Lasserpe : Oui, il sont chiants, ils n’ont aucune auto dérision et réagissent au quart de tour sur les réseaux sociaux, dès qu’on fait la poindre blague, ça me gonfle.
TD : Tous, même moi ?
Lasserpe : Non toi ça va.
TD : Chouette. Passons donc à votre drôle de métier. Dessinateur de presse, c’est quoi ?
Lasserpe : Et bien c’est assez simple, je suis seul chez moi, je reçois plein d’infos de partout, quand je vois un sujet intéressant je creuse, je cherche un angle et je le dessine. Le souci c’est qu’on ne sait pas quels dessins les rédactions vont prendre alors pour croûter un peu il faut bien faire des trucs sur johny etc. Et puis il y a la presse satirique, les commandes pour des journaux d’entreprise, ou de la presse spécialisée.
TD : Et la presse papier ne se porte pas très bien, quelles sont les répercussions pour les dessinateurs ?
Lasserpe : C’est simple : la première chose que les gens regardent en ouvrant le journal, c’est le dessin, le premier qui saute quand le journal va mal, c’est le dessinateur.
TD: Bon mais même si c’est pas facile, au moins vous faites un métier marrant…
Lasserpe : Oui, enfin bon faut pas croire, même la presse satirique de nos jours, c’est pas déconne déconne hein…
TD : Ho ho, vous allez balancer un peu ?!
Lasserpe :Oui ben par exemple, on peut pas se moquer des pauvres dans la presse « de gauche » satirique. Voilà, paf je balance.
TD : Mais se moquer des pauvres, vous n’avez pas l’impression qu’Emmanuel Macron fait ça très bien tout seul ? Pourquoi en rajouter ?
Lasserpe : Aucun rapport ! Macron méprise les pauvres, pas moi. C’est pas pareil : pouvoir se foutre de soi ou de gens qui seraient comme soi à peu près, c’est la moindre des choses. L’autodérision c’est un peu nécessaire pour réfléchir sur ce qu’on est en train de vivre. Ça fait miroir, ou je sais pas, histoire de pouvoir s’observer en train d’être manipulé. Youhou.
TD : Si je comprends bien, le dessin de presse a un côté clownesque (j’adore les clowns). C’est un décryptage par l’absurde de notre monde ?
Lasserpe : Et oui, quoi d’autre sinon ? On n’est pas là pour faire des jolis dessins (les miens sont très beaux), ni pour s’occuper les mains (qui sait ce qui pourrait se passer si on ne les occupait pas d’ailleurs), il faut ouvrir des brèches dans le prêt à penser !
TD : Bravo, mais vous n’avez pas peur que ça pousse les gens à la révolte alors ?
Lasserpe : Ben si, mais on a un peu de marge je m’affole pas non plus.
TD : Et si on abordait en deux secondes la crise de la presse papier ?
Lasserpe : On peut dire du mal du syndicat du livre ?
TD : On pourrait commencer par les mnpp ? Prestalis, la société qui distribue la majeure partie des quotidiens et magazines plombe tout. Ça va tuer certains magazines, d’autres vont passer d’hebdo à mensuel, d’autres vont licencier, ne plus se payer de dessinateurs ni de photographes. Les prix vont augmenter, les gens vont donc encore moins acheter. La presse en ligne ne paie pas les dessinateurs et a du mal à être à l’équilibre. La liberté de la presse et d’information est donc en grand danger. Est-ce que tu pourrais commenter ?
Lasserpe : voilà, en gros c’est ça.
TD : Merci de vos réponses. Revenons à des choses sérieuses : vous ne vous faites pas trop chier dans les Landes ?
Lasserpe : Alors là ça va trop loin, je quitte le plateau.
…
Je n’ai pas réussi à le rattraper. Mais ce sont les risques du direct et de l’investigation, appuyer là où ça fait mal. En même temps avec une coupe de cheveux pareille il s’attendait à quoi ?