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Vous souvenez-vous ?
C’était quand on donnait de la valeur au travail bien fait, quand on prenait le temps de savourer de quoi on avait besoin.
Avant de prendre du sable, du métal, des minerais, avant même de cultiver la terre, on réfléchissait à la façon de prendre soin de la planète à qui on ponctionnait des richesses. On construisait des objets qui duraient longtemps, on formait des gens qualifiés pour réparer, on avait un panel d’industries pas trop loin pour recycler tout ce qu’on avait trié finement.
Les gens faisaient leurs courses dans des magasins sans emballage et on rapportait les bouteilles en verre à la consigne. On se partageait la perceuse entre voisins !
Vous ne souhaitez pas remuer le passé ? Tout de même c’était bien…
On avait mobilisé les chercheurs de tout poil, les architectes, pour trouver des solutions à tout : les habitats pauvres en béton, les matériaux réutilisables et recyclables du BTP, les innovations dans les habitats en bois… Tous les défis lancés à l’intelligence collective étaient relevés.
Vous ne vous en souvenez pas ? C’est que vous n’avez connu que le productivisme…
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Zéro déchet : une réalité vertueuse dans bien des collectivités, mais qu’en font les libéraux du gouvernement ?
Le ministère a lancé des appels à projets « territoires zéro déchet zéro gaspillage » auxquels des dizaines de collectivités ont répondu, avec le financement de chargés de mission pour réaliser un travail participatif local. Et on fait bien de miser sur la participation citoyenne locale, car nationalement…
Le volet économie circulaire de la Loi Transition Énergétique prévoit des objectifs pour la réduction des déchets : 10% d’ordures ménagères en moins d’ici 2020, l’obligation d’une solution de collecte locale des biodéchets d’ici 2025… C’est timide en matière d’objectifs, et ça se mord la queue. Les biodéchets représentent en moyenne 1/3 du poids de la poubelle. En généralisant leur collecte (quelque soit la forme : compostage de proximité, collecte séparée…) on pourrait donc rapidement obtenir une diminution de bien plus de 10%.
On passera sur le volet « gaspillage alimentaire ». Les supermarchés doivent être obligés de donner leur surplus plutôt que de le jeter, à des associations caritatives. Dons évidemment défiscalisables pour les grandes surfaces. Peu ou pas de réflexion sur les dates limites de consommation, et encore moins sur le circuit agro-alimentaire. On ne met pas fin à la faim juste en cédant les surplus de ces filières aux pauvres…
Quant à l’interdiction des sacs plastiques, La commission européenne a bloqué le décret jusqu’au mois de juin, ce que retarde la mise en œuvre. Outre les exceptions pour la coupe et les fruits et légumes des supermarchés qui ont un an de rab, bien des commerçants ne sont même pas au courant de la loi. L’Italie les a interdits il y a plusieurs années, mais en France, on attend encore !
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L’Italie, oui, dont on ne parle que pour sa mafia, est en réalité un pays très avancé avec des dizaines de villes et agglos en zéro déchet. En l’espace de 15 ans, la ville de Capanori a atteint -70% de déchets : compostage généralisé, plateformes de réparation avec zones de gratuité, magasins sans emballages, relocalisation de productions agricoles et industrielles… Le coût public de gestion des déchets a été très nettement diminué.
D’où cette dynamique est-elle partie ? D’un collectif citoyen qui refusait l’implantation d’un incinérateur, puis c’est toute la ville, les élus, les associations qui se sont emparés de ce mouvement venu des USA, « zero waste ».
L’intérêt du mouvement zero waste est de proposer un scénario réaliste, au sens où il part de la préoccupation quotidienne des citoyens. Car il s’agit bien de citoyens, pas d’habitants. Zero waste est un mouvement militant, qui permet à chacun de réfléchir à ce qui envahit son quotidien, et a bien consience qu’il ne s’en sortira pas seul avec ses éco-gestes. Le double sens est revendiqué : zero waste, c’est zéro déchet, mais aussi zéro gaspillage. Et c’est ce double sens qui change tout. On réfléchit globalement, à limiter le recours aux ressources naturelles, et on en déduit une manière d’envisager la consommation, la production etc… et pour que l’impact soit réel, il faut des collectifs de citoyens mobilisés :
Vous ne voulez pas de la reconstruction de l’incinérateur d’Ivry ? Alors parlez à vos voisins, commerçants, élus et trouvez une autre voie. Ils ont trouvé… C’est le plan B’OM, le plan pour la Baisse des Ordures Ménagères, et c’est le fruit de l’intelligence collective des citoyens engagés contre cet incinérateur « flambant » neuf.
Enfin, et ce n’est pas rien, le scénario zero waste calcule que lorsque les filières d’élimination (mise en décharge, incinération) créent au maximum 20 ETP, le recyclage en crée entre 30 et 40, le réemploi… plusieurs centaines !
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L’appropriation scandaleuse d’un bien commun
En France, les déchets sont la première dépense publique environnementale pour une gestion quasi totalement déléguée à des entreprises lucratives, notamment des multinationales. La multiplication des gros équipements (incinérateurs, usines TMB et autres) génère la hausse de cette dépense publique et bien entendu, des impôts locaux. La gestion actuelle des déchets gâche des matières premières, pollue, émet des GES et crée très peu d’emploi. Qui croit encore que le capitalisme est la meilleure façon de gérer la société ?
D’un point de vue juridique et économique, les déchets ne sont la propriété de personne. Aujourd’hui ils sont un coût public et un gain privé, par le jeu des Délégations de Services Publics (DSP). Car dans le tas d’ordures, il y a de l’or. De l’or, du cuivre, du tantale, de l’aluminium, du polystyrène… que des matières recyclables, issues de ressources finies, dont le cours est indexé sur celui de la matière première. L’appropriation des déchets par les multinationales pérennise la ponction absurde et suicidaire dans les matières premières, et génère encore des dividendes en utilisant les matières premières secondaires.
Il serait donc légitime de déclarer les déchets « bien (ou mal) commun inaliénable ». La collectivité aurait la charge de l’organisation des différents acteurs qu’ils soient du champ industriel, associatif, de l’économie sociale et solidaire… et d’empêcher toute forme de main mise privée sur le gisement.
Zéro déchet, indicateur d’une société écosocialiste
Si le déchet est l’envers du décor productiviste, il en est aussi l’indicateur. Comme le dit Paul Connet, fondateur du mouvement zero waste : »si un objet ne peut être ni réparé, ni composté, ni recyclé, alors il n’aurait pas du être produit ».
Dans l’idée de fonder une société de coopération, où la règle verte est respectée, le taux de non-production de déchet est un indicateur probant. La qualité de la coopération autour des « choses abandonnées » sera donc autant une richesse humaine qu’une gestion saine des ressources et de l’énergie.