Le « tout faire soi-même » est à la mode… Et si on tentait de penser par nous mêmes ?!

Avez-vous comme moi souvent l’impression que c’est difficile de se faire une opinion tranchée ? Les événements qui se déroulent sont complexes, dosés par des nuances qu’on ne perçoit pas toujours d’abord, qui brouillent les pistes… Parfois c’est plus facile de ne se poser aucune question, on bourrine une idée et puis ça passe ou ça casse. Mais souvent on doute, on trouve que l’autre n’a pas tord…

Lors du remue méninges du parti de gauche à Grenoble, une amie de la bande de l’éducation populaire, Julie, nous a fait tester un petit exercice : « je sais, je sais pas ». C’est un jeu qui est utilisé normalement pour lancer un réseau d’échange réciproque de savoirs.séminaire ouvrier (2)

Nous l’avons fait entre militant-e-s. un camarade a dit : »je ne sais pas avoir une opinion tranchée » et il a trouvé que c’était de l’ignorance, une autre a répondu qu’elle avait rarement une opinion tranchée, ou en tout cas pas rapidement, et qu’elle mettait ça dans la rangée de ses savoirs.

Moi je doute beaucoup, et je le vis comme une qualité, qui m’invite à la curiosité, la réflexion, mais rapidement, c’est une difficulté, parce que j’ai le poids de tout le travail qu’il me reste à accomplir qui me tombe sur les épaules. Je me sens toute petite, d’ici à ce que je me dévalorise, il n’y a pas loin.

Je ne crois pas être la seule. Manquer d’assurance, se retrancher derrière « ceux qui savent » (je dis « ceux » car statistiquement ce sont des hommes qui endossent ce rôle, je sais pas pourquoi…), c’est le lot de tant de citoyen-e-s !

La conviction dans les réseaux d’échanges réciproques de savoirs, c’est qu’il n’y a pas de savoirs illégitimes, pas de petits ou de grands savoirs, mais que c’est la force de l’échange et de la réciprocité qui crée la grandeur du savoir.

Et moi ça me conforte dans mon idée qu’il n’y a pas grand chose de bien qu’on peut faire tout seul, et certainement pas prendre des décisions.

Mais depuis quelques temps, maintenant quelques années d’ailleurs, je découvre qu’il y a des processus qui permettent plus ou moins bien d’instruire la réflexion, le débat, la prise de décision. L’éducation populaire politique est ce courant de l’éducation populaire qui considère que les citoyen-e-s doivent disposer des outils qui leur permettront d’instruire la démocratie, comprendre les contradictions internes aux systèmes, nommer les conflits. Et par là même faire de leurs idées non pas des abstractions intemporelles, évanescences de quelques discussions plus ou moins argumentées, mais des forces matérielles, capables de tout révolutionner sur leur passage.

Tout ce qui nous entoure est organisé pour nous faire croire l’inverse : la hiérarchie du monde du travail, masquée sous les dehors faux derches du management, le « faut pas s’plaindre » adressé à ceux qui ont un boulot alors qu’on passe la barre des 3 millions de chômeurs, la télé qui nous dit qu’on est heureux parce qu’on a acheté des yaourts comme ci comme ça, et qui nous invite à ne pas penser à la politique, parce que c’est trop prise de tête. Et « les politiques », et ben ils se barrent en suisse avec notre pognon dis donc, mais quand même il faut les réélire, parce que les journalistes nous ont bien expliqué qu’il n’existait rien d’autre.

De toute façon, les femmes qui bossent à temps partiel imposé ou ceux dont la peau est un peu basanée, n’ont pas vraiment le temps de penser à tout ça…

Mais des « autres choses » il en existe des tas ! Des tonnes de possibilités, des cargos d’alternatives s’ouvrent à nous dès qu’on laisse notre imaginaire se libérer, dès qu’on prend le temps de s’écouter. Déjà on pourrait considérer que le problème ne vient pas de nous, ni du voisin d’à côté, même s’il nous parait bizarre, mais bien d’un système inégalitaire. Et si on part comme ça, les gars, ça peut nous mener loin…

Je pose donc l’hypothèse suivante : tout être humain, qui sent que la société est mal foutue et que l’avenir de ses gamins est compromis, qui déciderait de mettre en commun ses savoirs, de les partager et d’en recevoir, sans se préoccuper de qui ou à qui, et considérerait par là que nous sommes tous-tes égaux-ales, contribuerait à observer le système dans lequel il erre avec un œil neuf, critique, et libre. Ce nouveau positionnement donne la possibilité de réfléchir sur ce système, collectivement, et de trouver les moyens de la changer.

A partir de là, je crois que tout devient possible.

Enfin, je crois quoi…