Pensées en vrac, après « moi boy », de Roald Dahl

Après lecture de “moi boy”, où Roald Dahl se souvient de fragments de son enfance, de sa famille, sa correspondance avec sa mère, des écoles, de son refus de continuer l’école (tu m’étonnes !) pour aller parcourir le monde, après cette lecture, je ne peux pas continuer à séparer la personne adulte de son enfant, celui qu’il ou elle a été.

Évidemment que l’œuvre de Roald Dahl est peuplée de sorcières, de gens sadiques et de géants décalés ! Son œuvre à destination des enfants comme celle à destination des adultes d’ailleurs. Le directeur d’école pour garçons le plus terrible qu’il a eu à fréquenter, qui prenait un plaisir manifeste à battre au sang de jeunes enfants (comme on voit dans le film « the wall » des pink floyd) est devenu archevêque de Canterbury et a couronné la reine.

L’école, ce mythe insolent au regard de la reproduction éhontée des inégalités sociales qu’elle produit, s’écroule, à chaque coup de canne ou chaque devoir insipide réclamé au titre de la discipline, de l’ordre, de la bienséance, de « ce qu’il est bon d’apprendre ».

Et la possibilité d’autre chose s’offre à l’imagination de tous ces petits garçons, quand un prof de maths dit ouvertement qu’il fait semblant d’enseigner, et donne aux enfants leurs meilleurs souvenirs d’école en inventant littéralement toutes sortes d’activités délirantes, offrant sans doute les meilleurs apprentissages de leur vie à ces pauvres gosses enfermés, mais aussi le goût de la joie, et de l’humour.

https://www.franceculture.fr/emissions/les-nuits-de-france-culture/o-captain-my-captain-analyse-du-cercle-des-poetes-disparus-par

Nos rêves sont la base de nos vies, je n’en vois pas d’autre. Les enfermer c’est mourir un peu. Quand intimement on peut rêver, alors, envers et contre tout, le monde peut changer. Rien n’est impossible dans la vie de quelqu’un qui s’autorise à imaginer, et désirer ce qu’il imagine. Ce qui nous fait vieillir, au sens de se rabougrir, devenir conforme et faire la leçon à qui ne l’est pas, c’est d’étouffer ses rêves.

C’est pour cela que je pense que l’intime est politique, non pas comme un champ à investiguer par la politique, comme on le fait avec des notions comme le consentement aujourd’hui, en venant ajouter de la norme à nos désirs qui en soufrent déjà suffisamment.

L’intime est politique par ce que tout le monde a une intimité, tout le monde traverse l’enfance, tout le monde rêve, et qu’il s’agit d’une liberté profonde.

Si on ne politise pas l’intime, alors il devient une marchandise. La publicité a déjà depuis longtemps investi le champ de notre besoin d’évasion, comme l’écrit Mona Chollet dans « Beauté fatale », avec l’industrie du luxe.

L’industrie du jouet quant à elle nous prend dès le berceau, avec les produits dérivés des films d’animation, les parcs d’attraction, et désormais des multinationales comme Mac Donald’s qui invite les enfants à lire ses livres, et même d’autres, dans son cadre, avec sa nourriture qualifiée de malouffe, ses poubelles non gérées, ses emplois précaires, ceci avec la bénédiction des autorités culturelles et nos impôts.

https://medium.com/@ClaudePonti/mac-donald-au-salon-du-livre-jeunesse-de-montreuil-43c220ceab42

Aujourd’hui, les sites de pornographie en ligne sont accessibles si facilement, venant bouleverser les conditions de travail dans l’industrie du porno, ainsi que la façon d’imaginer la sexualité. C’est ce que Ovidie nous raconte dans ce documentaire « A quoi rêvent les jeunes filles ? ». La prise en charge de notre sexualité par les sites marchands, vient achever d’enterrer nos désirs sous un énorme tas de pognon.

https://www.arte.tv/fr/videos/RC-020447/libres/

Mais alors qu’est-ce que politiser l’intime, si on ne veut ni normer, ni marchandiser ? Je ne sais pas précisément. Nous travaillons cela de façon artisanale avec les conférences gesticulées. Peut être en faire un grand secret, un rêve commun dont chacun aurait un morceau. Faire du culte des rêves de chacun une religion. Définir le droit à désirer comme un bien commun, et n’accepter de les dévoiler que dans des circonstances qu’on décide. Ne pas infliger nos rêves aux autres, pour ne pas écorcher les leurs.

Voilà comment je vois l’intimité, conçue au cœur de nos enfances pour nous aider à grandir. L’enfance est cet état qui va nourrir toute notre vie notre capacité à être humain, nos devrions la chérir. C’est ce que j’apprends de Roald Dahl.